Photovoltaïque: ça marche même à l’ombre…

Au soleil ou même à l’ombre, les murs et les fenêtres d’un bâtiment produiront l’électricité dont il a besoin: ce rêve d’écologiste s’incarne dans un projet industriel lancé par une jeune chercheuse et femme d’affaires polonaise.

Février 2019

« Les pérovskites ». Nom étrange, qui est apparu il y a cinq ans à peine, et pourtant leurs propriétés physiques étonnantes sont en passe de révolutionner l’accès à l’énergie solaire pour tous. « À notre avis, les cellules solaires pérovskites ont le potentiel de remédier à la pauvreté énergétique mondiale », déclare à l’AFP Mohammad Khaja Nazeeruddin, professeur à l’Institut des sciences et ingénierie chimique à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, à la pointe de la recherche sur l’énergie photovoltaïque.

Des panneaux solaires légers, souples, efficaces, à taux de transparence et à teinte variables, bon marché, qu’on peut poser facilement sur un laptop, une voiture, un drone, un vaisseau spatial ou un bâtiment, même à l’intérieur.

Leur production industrielle est sur le point de démarrer.

Structure atomique
Les pérovskites furent décrites déjà dans les années 1830 par l’Allemand Gustav Rose,initialement considérée comme un minéral, la pérovskite désigne aujourd’hui une structure atomique particulière, répandue dans la nature et facile à obtenir en laboratoire.Il a fallu attendre 2009 et les travaux du chercheur japonais Tsutomu Miyasaka, poursuivis par d’autres, notamment à l’Université d’Oxford et à l’EPFL, pour découvrir l’aptitude des pérovskites à former des cellules photovoltaïques.

« Dans le mille »
Un pas crucial est fait en 2013 par une jeune Polonaise, Olga Malinkiewicz, alors doctorante à l’Institut des sciences moléculaires (ICMol) de l’Université de Valence, en Espagne. En marge de ses études, elle crée une cellule photovoltaïque en posant une couche de pérovskites par évaporation, et finalement par simple impression à jet d’encre. »C’était en plein dans le mille! Plus besoin de hautes températures pour mettre une couche photovoltaïque sur tout type de support! », raconte à l’AFP cette jeune femme blonde enthousiaste et souriante.Sa découverte lui vaut un article dans la revue Nature, une vague de commentaires scientifiques et médiatiques, mais aussi le prestigieux prix du concours Photonics 2, organisé par la Commission européenne, et un autre du MIT.

Encouragée par deux hommes d’affaires polonais, elle fonde avec eux à Wroclaw (sud-ouest) la société Saule Technologies et fait construire un site de production à l’échelle industrielle à Wroclaw. »Ce sera la première chaîne au monde basée sur cette technologie. Sa capacité atteindra 40.000 m2 de panneaux à la fin de l’année et 180.000 m2 un an plus tard. Mais c’est une goutte d’eau dans l’océan de la demande », indique Mme Malinkiewicz, interrogée par l’AFP. Le géant du BTP suédois Skanska, qui en fait des tests en conditions réelles sur un immeuble à Varsovie, vient de signer avec Saule un contrat d’exploitation de cette technologie sur tous ses marchés en Europe, aux Etats-Unis et au Canada.

« Les pérovskites font leurs preuves même sur les surfaces peu exposées au soleil. On peut les appliquer quasiment partout. Plus ou moins transparents, les panneaux répondent aussi aux exigences du design. Grâce à leur souplesse et leurs teintes variables, pas besoin de construire des supports supplémentaires, d’intervenir sur la forme ou le dessin du bâtiment », explique-t-il. Un panneau standard d’environ 1,3 m2, au coût attendu de 50 euros et au rendement comparable aux panneaux classiques, approvisionnera en énergie un poste de travail en bureautique à longueur de journée, selon les estimations actuelles.

En quelques années seulement, « les pérovskites ont fait un long chemin, souligne le professeur Nazeeruddin, qui avait par le passé collaboré avec Mme Malinkiewicz. Leur efficacité étant passé de 3,8% à 23,7% », un taux comparable à celui des panneaux classiques en silicium.